mardi 25 juin 2013

Le Ventoux, là où tout (re)commence à l'approche du Tour


Pouvez-vous sentir cette odeur qui monte dans lair 

Elle est étrange, c'est un mélange de sueur, crème chamois et d'effluves chimiques de boissons énergétiques et pourtant c'est une madeleine de Proust pour plus d'un passionné de cyclisme. L'image quelle éveille dans le cerveau est maculée de jaune, non pas l'orangé du soleil d’été mais le jaune vif du maillot du leader du Tour de France.

Oui, le Tour de France approche et ce qui est l’événement sportif le plus regardé au monde,  promet de battre encore un peu plus les records cette année alors que lon va célébrer la 100 ème édition de la Grande Boucle ( et on a pas besoin de Clovis Cornillac pour ça CQFD....).
Lorsque on m'a convaincu, il y a un peu plus dun an, après mon ascension du Ventoux que je pourrais peut-être parvenir à finir l'Etape du Tour, je navais pas réalisé quen plus cette année ce serait la centième édition de l'événement.

Serait-ce un signe comme le fait que, anniversaire oblige, le Ventoux soit de retour au programme des trois semaines de course ?
Les signes, cest ce à quoi on se raccroche généralement quand on a limpression de ne plus pouvoir maitriser son destin dans le laps de temps final qui nous rapproche dune épreuve cruciale. A moins de deux semaines de l'Etape du Tour, on peut considérer que mon entrainement est terminé. Il na pas été parfait mais voilà je n'y peux plus rien maintenant, je gamberge et pour calmer mon esprit quelque peu agité ces dernières nuits (il faut absolument que j'arrête de pédaler dans mon sommeil pour préserver mes forces!), je me raccroche à des signes.

Mais après tout, même si tous les sportifs -amateurs comme professionnels- le nient ( c'est leur jardin secret), la plupart d'entre eux sont à un moment ou un autre devenus superstitieux et se sont raccrochés à des objets fétiches ou des signes leur évoquant  leurs succès passés. Alors laissez-moi divaguer durant quelques ligne sur ces fameux signes.

Pour moi, tout a commencé avec le Ventoux  et jai dailleurs longtemps cru que ce serait l’étape finissant au sommet du Ventoux pour le centenaire du Tour, qui serait ouverte aux amateurs.  Mais le sommet du Géant de Provence noffre sans doute pas assez de place pour organiser une cyclo, où selon les derniers chiffres nous serons 13500 à prendre le départ le 7 juillet. Et puis faire le Ventoux après 221 Kilomètres d'une étape plutôt plate ne correspondait sans doute pas au profil de l’étape pouvant séduire les amateurs.

Pour Andy Schleck, qui a montré au Tour de Suisse quil est peut-être de retour sur le circuit (mais a fait une course inquiétante aux récents nationaux luxembourgeois), tout pourrait bien recommencer par le Ventoux aussi. Sil est confirmé qu'il sera le leader de la Radioshack sur le Tour de France, son directeur sportif Luca Guercilena, a bien précisé quil sera trop juste pour espérer un podium. Mais il est plus que probbale quil visera des victoires d’étape en montagne et peut-être pourquoi pas le classement de la montagne, dans ce cas le maillot à pois pourrait, pour lui, avoir la saveur d'un maillot de jaune, en prouvant quil faut de nouveau compter avec lui.
Mais pourquoi choisirait-il spécifiquement le Ventoux alors que le peloton va s'élancer sur ses pentes de légende le 14 juillet, jour de la fête nationale française, ce qui va forcément donner des ailes aux coureurs français ?

Et bien parce que le Ventoux est un sommet de légende qui vit et il suffit de gravir ses pentes, passer devant la stèle érigée en mémoire de Tom Simpson, mort durant son ascension, ressentir le vent violent et le soleil écrasant dans sa dernière partie pour comprendre que le Géant est habité par de nombreux fantômes. Parmi eux, il y a un illustre luxembourgeois, qui erre encore sur son flanc.
Le dimanche 13 juillet 1958, le grand champion cycliste luxembourgeois Charly Gaul, remporte en 1 h 02 min 09 s, soit à plus de 20 km/h, la première étape contre la montre en montagne du Tour de France, de Bédoin au Mont Ventoux (21,6 km) . 
Alors, qui sait, la renaissance d'Andy Schleck se fera peut-être dans les roues de celui que lon nommait l'Ange de la montagne.

La montagne étant bien présente sur le tour du centenaire, il est plus que certain que le Ventoux ne sera pas l'unique juge de paix de ces trois semaines, mais impossible dimaginer quil naura pas un rôle déterminant pour le classement.

Par un heureux hasard donc, jai choisi le centenaire pour ma grande première sur l'Etape du Tour et mon unique juge sera le Semnoz le 7 juillet. Avec ses pourcentages semblables à ceux du Ventoux, après trois semaines de course, il pourrait dailleurs aussi être déterminant si les pros peinent encore à se départager avant de rentrer sur les Champs-Elysées pour un dernier tour de piste en nocturne.

Pour moi, tout a commencé avec le Ventoux il y a un peu plus d'un an, signe ou hasard... 

En ce qui me concerne, ma couleur, mon maillot jaune sera simplement d'arriver au bout.
A chacun son maillot jaune, dailleurs tout le monde veut afficher les couleurs du centenaire : les marques, les sportifs, les artistes mais aussi quelques intrus à qui, la promesse d'une visibilité inédite de l'événement, donne des envies de récupération politique hors sujet. Mais ce sera aussi le Tour des 13500 personnes qui prendront le départ de l'Etape. 
Chacun sa couleur, son histoire, sa raison de participer au centenaire. La mienne sera de porter fièrement les couleurs des femmes qui aiment le vélo plus que pour aller en ville parce que rouler vite, loin, haut, leur procure un sentiment de bien-être et une liberté si grande que personne ne peut la leur enlever. A lEtape du Tour, nous serons un peu plus de 800 femmes. Cest un bon chiffre mais en pourcentage absolu, cest toutefois seulement 6%...

Au moment même où les pros s’élanceront pour célébrer le centenaire du Tour, leurs homologues féminines s’élanceront pour le Giro Rosa, le seul événement de leur circuit qui a l'envergure du Tour de France. Malheureusement pour elles, simultanéité oblige, le jaune du Tour éclipsera le rose de leur Giro sur la scène médiatique mondiale. 
Daccord, le Giro Rosa, précédemment nommé Giro Donne, nen est pas à sa centième édition mais il sagit toutefois de la 24 ème fois ( non consécutive) qu'il est organisé. Une telle longévité est rare pour les grands tours féminins, qui apparaissent et disparaissent au gré des changements d'humeur et à la couleur de l'argent que veulent bien mettre sponsors et organisateurs pour miser sur un cyclisme féminin, qui peine encore à être reconnu. Mais les choses bougent, alors que pour succéder à Pat Mc Quaid à la tête de lUCI en septembre prochain, mettre un peu de rose dans les instances et  le radar de lUnion Cycliste Internationale devient un argument de poids pour débouloner l'actuel président controversé.

Mais revenons à la fête, celle du Tour de France, de l'Etape du Tour en ce qui me concerne. Je suis fière aujourdhui de dire que je ferai partie des réjouissances du centenaire et afficherai avec fierté mes couleurs durant l’épreuve (en espérant ne pas virer au rouge écarlate dans les  pentes du Semnoz). Mon entrainement est terminé et comme je l’évoquais plus haut, alors que bientôt je ne serai plus maitre des derniers événements qui conditionneront ma forme le jour J, je cherche des signes pour me rassurer. 
La préparation est terminée mais ce nest pas la fin tout court de mes aventures cyclopédiques. Ce sera sans doute même le début dautre chose pour Bikellissima. Mais ne brûlons pas les étapes, il est temps de se concenter, de se relaxer aussi car le compte à rebours est véritablement lancé cette fois et si jen blémis un peu de peur, jen rougis surtout de plaisir.








mercredi 12 juin 2013

Sois belle et roule


 « Parce qu’il n’y a pas que les hommes qui ont droit d’allier style et performance » revendique Bikellissima.

En  préparation de l’Etape du Tour, qui est cette fois dans moins d’un mois, je ne me préoccupe donc pas uniquement de ma forme physique mais aussi du look que j’arborerai le jour du départ, c’est aussi important mentalement.

J’ai récemment trouvé mon bonheur : je suis en effet depuis quelques mois sur les réseaux  sociaux la très sympathique et performante équipe UCI Pro Women, Specialized Lululemon. Les filles sont sympathiques, toujours classées dans le top 5 dans les grands rendez-vous mondiaux. Elles sont de plus très actives sur les réseaux sociaux, engagées pour la cause des femmes dans le sport et véhiculent des valeurs importantes à mes yeux. Dès qu’elles le peuvent, elles donnent de leur temps ou de leur gains pour aider, via le sport et surtout le vélo, des populations qui en ont besoin dans le monde. Ce qui ne gâche rien est qu’elles portent une tenue vraiment jolie, c’est pourquoi quand elles ont annoncé, il y a quelques semaines, qu’elles allaient la mettre en vente sur le site de l’équipe pour le grand public et qu’une partie des gains récoltés iraient à des œuvres qui aident les enfants grâce au sport,  j’ai décidé de porter mon choix sur leur tenue pour le  jour J.

J’ai commandé jersey et cuissard en taille XS. J’ai reçu la tenue il y a quelques jours et en l’essayant j’ai pu constater comme je vous le faisais savoir il y quelques temps dans « Entre le slim et le vélo faut-il choisir » que ma morphologie  a changé. Le cuissard est beaucoup, beaucoup trop petit au-dessus du genou. J’avais bien anticipé que mes cuisses gagneraient du volume mais pas à ce niveau-là ! Or, il semble qu’elles se soient considérablement  dessinés à ce niveau-là, rendant le port d’un cuissard taille XS très très disgracieux en mode saucisson dans son filet et surtout dangereux : le muscle est si comprimé qu’il risque vraiment d’être asphyxié rapidement.
J’ai plutôt pris l’anecdote avec le sourire et j’ai pu sans aucun problème échanger mon cuissard contre un taille S auprès de  Velocio Sports, la société qui gère l’équipe. Testé sur une sortie de six heures, la tenue s’avère être confortable cette fois !

Mais il faut se rendre à l’évidence je m’éloigne encore un peu plus aujourd’hui des canons de beauté en vigueur qui voudraient que les filles soient toutes dotées d’allumettes à la place des jambes.  Pourtant, et je ne l’aurais pas cru il y a quelques mois, je me sens plus à l’aise que jamais dans mes slims (des nouveaux quand-même avec mes cuisses de cycliste en pleine croissance, je ne tiens pas à faire un phlébite juste pour être belle!) et je porte deux fois plus de jupes, robes qu’auparavant…
C’est là tout le paradoxe ; tout en m’éloignant de la norme,  je trouve de plus en plus de plaisir à m’habiller. Le sport  a-t-il quelque chose avoir dans tout cela ? Très certainement et  je vais m’expliquer.

Alors quand on a envie de refaire sa garde-robe, pour jeter avec l’ancienne ses complexes ou handicaps du passé, il est tout à fait logique de se tourner vers les pages  des magazines féminins, source inépuisable d’idée mode mais aussi excellent moyen de se vider la tête le week-end sur un transat après une sortie de 6 heures qui vous a laissée exsangue. D’autant plus qu’avec le soleil qui a enfin fait son retour, j’ai légitiment envie de me mettre au courant des tendances de l’été !
Et jouons franc jeu, quand on est une fille, une femme et qu’on feuillette les magazines féminins, on recherche toutes (même si très peu osent l’avouer, les patrons de presse le savent bien…) à s'identifier à un modèle, une histoire, un type de fringues. Alors assez logiquement, cela fait plusieurs semaines que j’essaie de trouver en plus des idées mode, des rubriques dans lesquelles je pourrais me retrouver du type « sport au féminin ».
Mais en vain.

Car le terme sport,  quelqu’un l’a-t-il déjà vu écrit tel quel et sans adjectif édulcorant du type « indolore » dans un magazine féminin ? Je vous mets au défi de trouver.
Pour trouver un article ayant trait au sport, il faut au choix aller chercher du côté de la rubrique forme (pourquoi pas), de la rubrique bien–être (on est d’accord) mais le plus souvent c’est dans la rubrique minceur que vous trouverez peut-être votre bonheur.
Et là les articles ont de quoi faire peur : « Dix exercices de base pour muscler vos fesses », « comment perdre sa cellulite avant l’été », « que faire pour avoir le même corps que X »,  ou du genre dites-moi la partie de votre  corps que vous n’aimez pas et notre honorable magazine, vous dira quel sport choisir !

Soyons sérieux un instant, s'il est indéniable que le sport contribue à contrôler son poids, les femmes ne feraient-elles que du sport dans le but d’être minces ?
Pis encore, la plupart de ces revues vous laissent croire que le sport c’est avant tout une souffrance, c’est donc pourquoi le mot SPORT n’est pas nommément écrit pour ne pas effrayer les femmes, ces petits êtres fragiles, et le plus souvent on vous parle de rester en forme. Dans cette rubrique, on vous donnera alors les trucs et astuces pour bouger sans trop souffrir mais un peu quand-même car l’adage veut qu’il faut souffrir pour être belle. La femme est faite de contradictions, je ne le nie pas mais il serait  temps qu’on arrête de la prendre pour une quiche qui obéit à tout !
Car où est le plaisir là-dedans ?

Il n’y en a absolument pas et le but n’est pas ou rarement de rendre le sport tel quel attrayant dans ces pages. Il est tout à fait étonnant de vivre dans un siècle ou d'un côté on incite les femmes à s’accepter telles qu’elles sont et d'un autre on les incite à faire de l’exercice dans une salle chauffée comme un sauna (horreur, chaleur et danger !) pour peut-être perdre 800 grammes (surtout d’eau d’ailleurs) et se sentir plus prêtes à séduire. Pour celles et ceux qui auraient reconnu la description du yoga Bikram, je précise que je n’ai rien contre le yoga bien au contraire puisque je pratique la forme Sivananda plusieurs fois par semaine pour assouplir mes muscles (qui m’ont joué des tours par le passé) . On incite quand-même beaucoup les femmes à se complaire dans la contradiction…
Demandez donc d’ailleurs aux cyclistes pros si faire du sport par 40 ou 50 degrés est franchement gérable ? Sur le Tour de Californie, la plupart d’entre eux auraient sans doute donné n’importe quoi pour que la  température extérieure baisse d’au moins 15 degrés !

Bref, au XXI ème siècle, alors que beaucoup de femmes se battent encore pour que leurs droits égalent ceux des hommes, peu d’entre elles auraient-elles réalisé qu’elles se complaisent elles-mêmes dans le cliché qui veut que le sport pour les femmes c’est surtout fait pour être mince et plaire aux autres mais pas pour se plaire à soi-même et encore moins se prouver qu’on existe ?

A ce stade, un arrêt sur image s’impose.

Je roule, j'aime le sport et pourtant j'aime aussi la mode mais difficile pour moi de trouver de quoi me plaire dans les pages des magazines féminins généralistes.....

Se sentir bien, est-ce véritablement plaire aux autres ou est ce qu’on ne plait pas plutôt  aux autres d’abord parce qu’on se sent bien dans ses baskets, ses escarpins ou sur ses pédales autos ? (je tiens peut-être là un bon sujet pour l’épreuve de philosophie du bac 2013 ?!).

A ce stade de déception, que dois–je faire ? Me rendre à l’évidence : je ne suis pas la cible de ces magazines (pas d’accord, je suis pile dedans d’une certaine façon) et me rabattre sur des revues/sites spécialisés ?
Il existe, surtout dans la presse anglophone d’ailleurs et c’est malheureux  pour ceux qui préfèrent lire dans la langue de Molière, un certain nombre de publications papiers ou numériques qui s’adressent justement aux femmes sportives, performantes, charmantes, soignées et j’adore lire ces magazines qui alternent avec brio entre articles rafraichissants pour motiver les sportives du dimanche, interviews de championnes et conseils mode/beauté. Mais soyons honnêtes, cette presse a pour lectrices des femmes déjà convaincues par les vertus du sport. Ne serait-il donc pas très intéressant de trouver dans une presse féminine qui se veut généraliste et est donc à destination de toutes de quoi montrer que le sport au féminin, c’est aussi un plaisir même si ce n’est pas toujours évident? Ce type d’articles vous ne le trouvez que lors des JO ou lorsqu’une sportive se fait connaître pour d’autres actions dans la société civile, c’est bien mais c’est très insuffisant, trop sporadique. 

Vous ne me croyez pas, alors taper « sport au féminin » dans votre moteur de recherche et je vous assure que  vous serez déçu du résultat.

Et ainsi certains préjugés sont toujours tenaces : J’ai déjà entendu de la part de certaines connaissances féminines que le vélo à part comme moyen de locomotion, elles ne voyaient vraiment pas l’intérêt quand d’autres m’ont simplement demandé : « En faisant beaucoup de vélo, tu n’as a pas peur d’attraper de grosses cuisses et mollets ronds ? »

Attraper de grosses cuises et voir ses  mollets se dessiner n’est pas une maladie mais une adaptation du corps à l’effort qu’on lui fait subir. Et puis je ne fais pas encore de contre-la-montre donc jusque-là, je pense maitriser la prise de formes que j’assume sans complexe puisqu’elle me permet justement de me sentir encore mieux sur mon vélo.
Il est vraiment temps  d’abattre une autre idée reçue. Non, le sport ne fait pas maigrir il peut même faire prendre du poids et alors ? Cela fait des années que je n’utilise plus de balance, mon seul critère d’évaluation étant la place que je gagne ou perd dans mes vêtements.

Mais les sportives ne sont pas pour autant disgracieuses. Personnellement, j’admire particulièrement deux sportives pour leur palmarès, leur force mais aussi leur plastique. Il s’agit de la skieuse Lindsey Vonn et de la « pistarde » (cyclisme sur piste) qui a récemment pris sa retraite, Victoria Pendleton. Ces messieurs sont tout émoustillés quand ces deux athlètes posent en tenue légère dans les magazines et pourtant elles sont loin d’avoir des mensurations qui rentrent dans la norme.
1,78m pour 73 kg du côté de Lindsey Vonn et 1,65m pour 60 kg pour Victoria Pendleton. Ces chiffres seuls parlent d’eux-mêmes et les mensurations de leurs cuisses sont sans doute tout aussi éloquentes.
Avec 70 kilos pour 1,75 m, j’adore aussi Serena Williams pour l’acharnement dont elle a fait preuve pour revenir au plus haut niveau à 31 ans et gagner Roland-Garros et pour son côté très féminin dans ses tenues sur ou en dehors des courts. Sur ce point, j’ai eu une discussion très houleuse avec des collèges journalistes masculins qui m’ont dit qu’ils ne voient pas l’intérêt du tennis féminin si les femmes se mettent à ressembler aux hommes et tapent dur (Serena était visée évidemment) et de rajouter que son physique est disgracieux. Ce sont ces mêmes hommes qui se plaignaient encore il y a peu d’un tennis féminin trop mou où les filles ne faisaient que jouer à la baballe….Il n’y a  pas que les femmes qui sont pleines de contradictions …

En tant que cycliste, sportive et journaliste, je me pose donc cette question : les magazines féminins ont-ils besoin d’entretenir les femmes dans leurs complexes afin de leur vendre toujours plus de rubriques avec des pseudo recettes magiques pour justement faire tomber ces complexes et donc conserver lectrices et annonceurs (ah qu’il est difficile quand on est journaliste de devoir composer entre le devoir d’informer et la nécessité de ne pas contrarier des annonceurs qui nous font vivre…) où sincèrement n’y–a-t-il pas la place pour dire aux femmes simplement dans une petite rubrique régulière que parfois se sentir bien, cela peut aussi juste passer par  enfiler une paire de baskets et aller marcher, courir un peu dehors ou enfourcher un vélo qu’il soit Vélib ou de course.
Si, si je vous assure l’air frais ou le soleil et l’oxygénation du corps font parfois plus de miracles sur le teint qu’une crème de jour hors de prix censée recréer artificiellement l’effet de la rosée ou des embruns sur la peau... J’ai sans doute touché là un argument de vente sensible mais je reste pourtant persuadée qu’une rubrique sport pourrait tout à fait avoir sa place dans de grandes publications écrites et numériques…
Je ne déserterai pas pour autant les pages des magazines féminins généralistes, tout comme je ne perdrai pas inutilement d’énergie à vouloir convaincre les plus réfractaires au sport que l’exercice c’est avant tout se faire du bien, mais je pense qu’il était important pour Bikellissima de donner son point de vue sur ce manque dans les publications que je ne suis certainement pas la seule à ressentir.

En matière de sport, le cyclisme est loin d’être mon premier amour et ne sera peut-être pas le dernier d’ailleurs. Mais peu importe le sport qui vous fait envie: boxe, danse, yoga, natation, rugby, karaté… Ne pratiquez pas un sport parce qu’on vous a dit que celui-ci ou celui-là a tendance à faire si ou ça, faites le sport dont vous avez toujours rêvé, qui vous fait vibrer, qui vous permet de vous évader, de vous sentir bien, de vous vider la tête, de rencontrer d’autres personnes… Faites-le pour votre plaisir et au rythme qui vous convient et pas pour les autres, car le seul regard qui compte et que vous devez soutenir avec bonheur c’est le vôtre dans un miroir et peu importe le corps ou l’allure que vous donne ce sport, s’il vous permet de vous réconcilier avec vous-même alors naturellement le regard des autres changera sur vous. Se sentir bien, c’est surtout ça le vrai luxe, la liberté aujourd’hui, et pratiquer un sport à son rythme peut permettre d’accéder à cette sensation simple mais rare de nos jours et il est bien dommage qu’on ne le dise pas assez !

mardi 4 juin 2013

Une Lanterne Rouge « Into the Wild »



Prendre le départ d’une course en n’ayant pas pour objectif premier de forcément la terminer peut sembler étrange, c’est pourtant plus ou moins ce que j’avais en tête samedi en m’alignant en Bourgogne au départ de la Claudio Chiappucci. La course, version complète était annoncée à près de 168 kilomètres, autrement dit un Everest quand ma plus longue sortie a pour l’instant à peine dépassé 100 kilomètres. Mais le vrai défi était ailleurs : couvrir de la distance et tester mon endurance alors que nous sommes à un peu plus d‘un mois de l’Etape du Tour, annoncée à près de 130 kilomètres et 3600 mètres de dénivelé.
Samedi matin, 8h30, il apparaît très vite que le mauvais temps des derniers jours a rebuté un grand nombre d’amateurs. Ils sont assez nombreux sur la version 80 kilomètres (couverte l’année dernière une semaine après le Ventoux), un peu plus nombreux sur la 108 kilomètres; mais sur la version longue, nous sommes très peu nombreux, environ 160. Seuls les cyclistes aguerris semblent être dans les starting-blocks alors que le temps est plutôt menaçant.

Mais qu’est-ce que je fais au milieu de ce peloton, pourrait se demander certains ?
Et bien, cette course était pour moi synonyme d’anniversaire. Courrue en version courte l’année dernière une semaine  après l’ascension réussie -surprise pour moi- du Ventoux, elle est en quelque sorte la date anniversaire de ma première année sur un vélo de course.
Le départ est donné, les roues frottent puis rapidement le peloton s’éloigne devant moi et une première constatation s’impose : aujourd’hui je vais devoir affronter un fort vent tournant seule. J’essaie de m’accrocher mais le rythme est rapide et les premiers 30 kilomètres sont d‘autant plus durs qu’avec le soleil qui pointe son nez, les graminées sont de sortie et l’allergie brûle mes bronches qui peinent au départ à s’ouvrir. Très rapidement, j’ai pour compagnon derrière moi, une voiture-balai bruyante, un peu trop proche à mon goût. Puis les coureurs de la 108 kilomètres se rapprochent, des cyclistes sympas m’invitent alors à m’accrocher. Mais chacun d’entre eux fait le double de mon poids et partis pour une course nerveuse de 108 kilomètres plus plate que la mienne, ils impriment un rythme qui aurait été rapidement mortel pour moi si je m’étais entêtée à vouloir les suivre.  

Il faut se rendre à l’évidence : aujourd’hui je mènerai le combat contre deux éléments : le vent et ma seule personne car je sais désormais que je serai la Lanterne Rouge. Finalement, le fait de me retrouver sans le défilé incessant des voitures de course me satisfait assez, j’aime rouler dans un calme ponctué du bruit de mes roues sur l’asphalte et du chant des oiseaux dans les bois et puis même s’il s’agit d’une petite « cyclo », les spectateurs sont au rendez-vous dans les villages et m’encouragent très chaleureusement. Tous ceux qui font ou aiment le sport le savent, lors d’une course difficile (nous étions moins de cinq femmes), être la Lanterne Rouge est un honneur et il faut savoir être digne de ce rang. Je n’ai alors qu’une obsession : au bout de 90 kilomètres la bifurcation se fait entre la 168 kilomètres et la 108 kilomètres, et pour être autorisé à continuer sur la grande boucle, il faut impérativement passer dans les délais, c’est à dire avant 12h30. Ce sera mon défi du jour !
 A ce stade, je me dis encore que couvrir seule la distance est impossible alors que des rafales de vent font sauter mon vélo de droite à gauche, compliquent ma manière de m’alimenter et je n’ai qu’une peur : finir comme Andy Schleck dans le fossé au Dauphiné. Je trouve finalement un petit peloton qui va sur la 108 kilomètres, je parviens enfin à m’accrocher et là un des coureurs se retourne et me fait comprendre avec insistance que je dois prendre un relais. Impossible, je ne pèse pas bien lourd par rapport à eux et je ne les abriterais pas beaucoup ! Leur réaction –vraiment stupide- ne s’est pas faite attendre : ils se sont écartés pour me remettre dans le vent, me bordurer ! Incroyable mais vrai. Quelqu’un peut me dire pourquoi, alors que nous ne faisions pas la même course ? Passons, c’est en tout cas à cet instant précis que j’ai compris qu’aujourd’hui j’y arriverai seule ou je n’y arriverai pas du tout mais j’étais encore loin de me douter de ce qui m’attendait par la suite…

Mais qu'est-ce que je fais là? Je fête ma première année de cyclisme sur route en m'alignant sur 168 kilomètres.

Après avoir avalé des côtes affichant pour certaines 10% de moyenne, avoir fait très attention à mon alimentation et à mon hydratation, j’arrive enfin à la bifurcation.
Je m’enquiers de l’heure : à peine midi, victoire, je peux continuer sur la grande boucle me souligne un commissaire de course tout en me félicitant. Je m’élance sur  la côte suivante sous un soleil enfin chaud en me tranquillisant et en me disant enfin pour la première fois que je suis peut-être capable de finir 168 kilomètres et attendant avec impatience le prochain ravitaillement.

J’arrive alors au fameux point mais là rien, -point de ravitaillement si j’ose dire- et pourtant c’est bien le  bon endroit comme l’indique l’inscription à la craie sur la route mais personne, pas l’ombre d’une bouteille d’eau, silence radio. Je comprends alors que le plus gros défi de cette journée ne sera pas là où je l’attendais. Je me disais aussi, cela faisait au moins trente kilomètres que je ne voyais plus la voiture-balai…

Pourtant, je suis dans les délais et un commissaire me l’a confirmé, mais non les personnes chargées du ravitaillement n’ont pas jugé bon d’attendre la Lanterne Rouge.
C’est un vrai problème car en vélo, je fonctionne désormais comme les skieurs qui mémorisent le tracé de leur descente mentalement. Je mémorise toujours le profil de course, les côtes, les difficultés ainsi que les points de ravitaillement pour élaborer une stratégie de gestion de mon effort. Cette précision chirurgicale me rassure et jusque-là m’a permis de gagner en endurance.

Mais là, il semble que je n’aurai plus de ravitaillement. C’est une catastrophe, il me reste au moins trois montées difficiles et plus de 80 kilomètres à faire ! Je me retrouve seule face à moi-même dans des paysages à couper le souffle mais sans âme qui vive alors même que je suis dans les délais de course ! Franchement, c’est nul, je commence d’ailleurs à avoir soif et la prochaine côte est dans à peine trois kilomètres. Que faire ? Je vis un remake de «Into the Wild» !
Je me dis alors que si je  ne trouve personne au prochain village, j’appellerai chez moi (j’apprendrai à mon arrivée qu’à cet endroit je n’avais pas non plus de réseau pour utiliser mon portable). Ma maison se trouve sur le tracé de la course et ma famille doit pouvoir me rapporter de l’eau, mais il leur faudra du temps pour arriver et cela va me couper dans mon effort…

Et là miracle, au détour d’une minuscule route surgit une  voiture de course, je lève les mains, ils s’arrêtent presque surpris et me demandent ce que je veux : je leur dis que j’ai soif et ils me donnent les deux dernières petites bouteilles d’eau qu’ils possèdent. Un litre d’eau pour 70 kilomètre et deux très grosses côtes alors que cette fois il fait 20 degrés, c’est mieux que rien mais pas certain que ce sera suffisant…
Mais sur le moment, je suis si heureuse d’avoir enfin eu droit à un petit ravitaillement que je les remercie vite fait après avoir rempli mes bidons et repars de suite. Quant à eux, ils me souhaitent « bon courage », me regardant tel un Poilu partant au front sans aucune préparation. Ils avaient l’air beaucoup plus inquiets que moi, c’était presque drôle à voir !
Car personnellement, je me suis remise en mode concentration extrême afin d’optimiser chacun de mes mouvements pour qu’ils soient le plus souple possible tout en pensant à boire, manger à intervalle régulier pour éviter la perte de lucidité. Je n’en ai pas oublié non plus d’apprécier ce moment de solitude inattendue dans  des combes parfois très sauvages.

Dans les faits, j’étais vraiment insouciante comme le héros décrit par Jon Krakauer et j’aurais sans doute dû un peu paniquer mais cela n’est pas arrivé, j’étais trop absorbée et bercée par un soleil enfin printanier.
 J’ai avalé les difficultés suivantes enchainant montées et descentes à un rythme constant jusqu’à attaquer la remontée vers mon village dans les Hautes-Côtes de Beaune. Presque arrivée devant la porte de ma maison, j’ai pesé le pour et le contre : oui, je pouvais continuer à condition une fois de plus de reprendre de l’eau chez moi et d‘informer et rassurer tout le monde (j’apprendrai plus tard que la voiture-balai et l’organisation avaient déclaré tant à mon compagnon de course à l’arrivée qu’à ma famille sur le tracé que « non non, il n’y avait plus personne derrière eux »).
Mais au final, j’avais déjà roulé 135 kilomètres, presque totalement seule contre le vent pendant plus de 6 heures et à près de 22km/h de moyenne et franchement rien que pour ça je mériterais une médaille ! J’avais aussi cumulé 2000 mètres de dénivelé, compensés par 5 bidons de liquide (dont 3 d’eau « claire ») et environ 700 calories de barres en tous genres (heureusement d’ailleurs que je prévois toujours assez au niveau des « gigots» et autres victuailles dans les poches de mon jersey), je n’étais pas du tout à l’agonie mais mon combat solitaire contre Eole commençait à laisser apparaître des séquelles, mes lombaires devenant de plus en plus douloureuses tandis qu’un tendon d’Achille tirait depuis quelques kilomètres maintenant.

Je voulais, il est vrai, à tout prix être à la hauteur du rôle de Lanterne Rouge mais constatant que les organisateurs de la course, eux,  n’y prêtaient franchement pas attention (ce qui n’est pas sérieux du tout surtout quand l’inscription se monnaye 35 euros pour une course censée avoir une organisation autour de vous avec routes sécurisées et ravitaillement et que l’on se retrouve abandonné alors même que les délais sont respectés). Oui, je suis un peu en colère quand-même ! J’ai finalement considéré que mon contrat était rempli et que surtout il serait idiot de faire 30 km de plus contre le vent de face (il n’y avait plus de véritable difficulté à ce stade) et tout ça pour forcer inutilement et risquer une blessure un mois avant mon objectif.

A l’arrivée de la course, à la ligne du classement me concernant, il est donc désormais inscrit « abandon » mais personnellement je ne considère pas qu’il s’agit d’un abandon (je n’aurais d’ailleurs pas renoncé si j’avais pu être ravitaillée), j’estime même avoir gagné ce qui s’est apparentée à une véritable course contre moi-même et où il a été question de repousser des barrières physiques mais aussi mentales.
Et croyez-moi, pour gagner une course en solitaire de 135 kilomètres, le moral, qui connait nécessairement des hauts et des bas pendant l’expédition, se doit de tenir la route !
Alors la prochaine fois que vous assistez à une course, peu importe la discipline, faites-moi plaisir et redoublez d’applaudissements pour la Lanterne Rouge qui est loin d’être la  personne la plus forte physiquement mais qui a certainement un mental d’acier pour s’acharner à atteindre la ligne d’arrivée. C’est précisément ce que cette course m’a apporté : si je n’ai pas encore et je ne sais pas si j’aurai un jour le physique d’un vainqueur, je peux en tout cas  travailler mon mental  pour qu’il ait le rayonnement de celui d’une Lanterne Rouge digne de son rang.  Et si vous êtes organisateur d’une course, n’oubliez pas celles et ceux qui se font un point d‘honneur à terminer l’épreuve que vous avez eu du mal à mettre sur pied et qui méritent donc une reconnaissance à la hauteur de la persévérance engagée pour finir l’épreuve. 

Dans un peu plus d’un mois maintenant, ce sera l’Etape du Tour et les 10 kilomètres de fin de course seront autrement plus difficiles cette fois. Il faudra tenir le cap pour monter au-dessus du Semnoz, ne pas avoir les jambes molles et surtout avoir un mental solide. J’ai encore du travail d’ici là mais pour la  première fois le week-end dernier, j’ai eu l’impression que le travail que je fais depuis près de cinq mois commence à payer !