Comme promis, voici mon analyse technique de l’Etape Annecy-Semnoz
que les pros parcourront dans quelques heures. En hommage à Pédale !, ma bible pendant le Tour
tous les ans et en dédicace à l’excellent Matthieu Pécot, mon collègue et
journaliste également pour So Foot et
Pédale !, voici mon pronostic de
l’Etape, version très, très décalée…
Annecy-Semnoz, 125km et des pourcentages de fillette autour de 5,8%
jusqu’au Semnoz. Cette fois Jens Voigt en est certain cette étape est faite
pour lui, plus qu’une échappée, papy se sent pousser des ailes pour la victoire
d’étape.
Il profite des 15 premiers kilomètres de plat pour jauger ses
adversaires et décide de partir au kilomètre 8 tout seul comme un grand. Deux
autres vétérans du peloton décident de lui emboîter le pas, Klöden et O’Grady
sautent dans sa roue. 118 ans a eux trois.
Côte de Puget (5,4 km à 5,8%), Col de
Leschaux (3,6 km à 6,2%), Côte de Aillons-le-Vieux (6 km à 4%), les pourcentages
ne sont pas énormes mais se succèdent sans repos et, résultat, au lieu de se la
jouer chevauchée fantastique, les papys
du Tour explosent en vol et décident finalement de lever le pied et de se la
jouer tour organisé du troisième âge en autocar : après tout le paysage est
magnifique au dessus du lac d’Annecy, l’alpage offre des senteurs de foins
fraîchement coupé et les vaches avec leur cloche, ça change des veaux du
circuit, après tout, oui c’est bien aussi le cyclotourisme. L’atmosphère
bucolique séduit aussi Martin, Sagan et
Gilbert qui ont eux aussi l’intention de se la couler douce.
Tandis que les grimpeurs enchainent ces
bosselettes jusqu’au Col des Prés (3,5 km à 6,5%), Cadel Evans qui ne veut pas
finir sa carrière en n’étant que l’ombre de lui-même sur ce 100ème Tour, tente
sa chance au bas du Col des Prés. Froome, Contador et Quintana ne bougent même
pas, ils savent que celui qui est sans aucun doute le meilleur imitateur de
Mickey Mouse du peloton, n’a plus les jambes même pour
faire la différence dans un col de seconde zone où la chaleur est déjà bien présente.
Avant même de basculer au sommet, Cadel perd ses moyens dans la montée et se
retrouve à sucer la roue d’un Cavendish complètement cuit sous son casque
coquille d’œuf.
La descente du col des Prés qui doit mener le
peloton vers les pentes du Revard est belle, longue, sinueuse et dangereuse. Bref,
le cocktail parfait pour Contador qui voit là une belle occasion de se faire la
belle et de reprendre des secondes précieuses à Froomy qui joue la sécurité à
ce niveau là. « Vamos, vamos ! » Alberto s’élance tel un taureau
ibérique dans la descente du col, frôlant parfois les parapets des virages en
balcon. Mais il n’est pas seul dans cette descente dantesque, Voeckler lui colle
aux basques déterminé à créer une échappée et les conditions d’une victoire
d’étape pour Pierre Rolland. Sans s’en
rendre compte, Contador emmène
d’ailleurs avec lui une échappée spéciale « futurs espoirs du cyclisme
français » si chers a Thierry Adam : Rolland, Sicard, Coppel et Vichot
ne lâchent rien...
Mais cette échappée du jour ne sera pas la bonne
échappée, n’en déplaise à Thierry Adam.
Les pentes du Revard ne sont pas si terribles que
ça : 5,4% mais ce col est long, très long. Bref
tout le temps pour le peloton de se caler un rythme et de ne pas laisser Contador
partir trop loin, Quintana a en effet toujours l’intention de lui chiper la
deuxième place sur le podium.
Pendant l’ascension, on attendait une
alliance espagnole Contador-Nieve-Rodriguez pour résister à Froome,
l’anorexique albion mais il n’en est rien. Au final, on a droit à une alliance
des télécoms entre la Sky et la Movistar qui se relaient comme si de rien n’était
et écrasent la course.
Mais on ne l’a fait pas comme ça à Alberto, qui
a mangé du cheval ce matin (un steack ?) et qui décide de tout redonner
dans la descente. Voeckler lui saute de
nouveau dans la roue et Ryder Hesjedal, à l’abri depuis le début derrière ses binocles
qui lui ont valu dans le peloton le grand prix Optic 2000 des lunettes de
tocards, s’accroche au wagon.
Dans la descente, pas le temps pour Alberto d’admirer le splendide panorama sur Aix les Bains et le Lac du Bourget, il donne
tout. Trop occupé à penser à sa stratégie de course, Voeckler perd en lucidité
dans la descente et au lieu de tourner à gauche dans le roue de Contador, tire
tout droit comme il y a deux dans entre Gap
et Pinerolo et finit dans la
cour de la ferme de Bernard qui fait, paraît-il le meilleur fromage du
coin. Le choc n’est pas violent,
Voeckler est amorti par un tas de fumier mais des minutes précieuses sont perdues
et les rêves d’échappée s’envolent alors que le peloton passe devant la
fameuse ferme sans même la regarder. Enervé comme jamais, Thomas remonte sur
son vélo et tente de recoller au gros des troupes, il passe le reste de l’Etape
à insulter le moindre spectateur qui s’approche trop près de lui, Thomas faut pas
l’énerver….
Ryder
Hesjedal lui a eu le souffle coupé par la beauté du paysage qui lui a rappelé les
grands lacs canadiens, son boyau aussi a manqué d’air. Sa voiture met dix
plombes à arriver, ce n’est pas encore aujourd’hui que le Canadien pourra montrer
sa forme de bûcheron en montagne…
Après
la descente, une quinzaine de kilomètres de faux plat s’enchainent jusqu’au
pied du Semnoz, tout seul face au vent Contador perd inexorablement la petite
avance qu’il avait encore sur le peloton.
Avant
d’attaquer les pentes du Semnoz, les coureurs passent au charmant village de
Quintal. Lors de l’Etape du Tour des amateurs qui s’est déroulée ici il y a une
quinzaine de jours, un ravitaillement géant y avait été installé avec des
producteurs locaux : fromage et vin de Savoie étaient disponibles
pour le plus grand plaisir des cyclos britanniques. Pas fous, les mêmes producteurs ont décidé de
se réinstaller au même endroit pour se faire de la pub, vendre leurs produits aux
spectateurs et être vus des caméras de France Télévision. Et de surcroît, ils
ne sont pas ignorés par le peloton, loin de là, Andy Schleck qui tenait bon
jusque là en a juste marre et estime qu’il a déjà fait le job dans le Tour
2013. Plus qu’un arrêt au stand, c’est une vraie descente de cave qu’il fait chez
les viticulteurs savoyards. Andy l’a bien compris, le Tour c’est aussi
l’occasion de découvrir le terroir français, dixit Jean-Paul Olivier et il faut
bien s’hydrater avant d’attaquer le bouillonnant Semnoz.
Les premières pentes raides et sèches du Semnoz (8,3% de moyenne) conviennent
parfaitement à Nairo Quintana. Le coureur colombien démarre pied au plancher,
si fort qu’il se fait péter la cloison nasale comme dans le Ventoux, blessure
étrange sûrement due à son entrainement en altitude en Colombie (ne jamais
mâcher de feuilles de coca en roulant).
Pendant ce temps le boucher de l’Île de Man, excédé par cette énième étape
de montagne, craque et enchaine ses coups spéciaux préférés à savoir coup de
casque-coup d’épaule sur un spectateur qui venait de lui verser un seau d’urine
sur la tête. Les commissaires le disqualifient mais ne peuvent ranimer le
pauvre spectateur. Cav ne claquera pas son 5ème sprint sur les Champs mais,
après Tom Weelers, il a fait une victime de plus sur ce 100ème Tour.
À 6 km de l’arrivée (mi-parcours de la montée), Froomy est en perdition. Richie-Sancho
Panza-Porte fait demi-tour et redescend à Quintal acheter un sac de provision.
Contrairement au Giro 2010 où Froomy s’était fait choper en train de monter le
Mortirolo accroché à une moto, cette fois-ci, ni vu, ni connu, il est tracté
par la moto Vittel. Effectivement, plus personne ne s’étonne de voir le britannique-kenyan-extraterrestre
monter les cols à 30km/h.
En remontant, Richie-Sancho Panza-Porte croise un Contador cuit à l’arrière
du peloton qui discute avec Andy boisson de récupération.
Cette fois, l’étape n’échappera pas au petit Colombien. Quintana franchit
le premier la ligne d’arrivée impassible mais le maillot tâché de sang (ça
tombe bien il porte déjà le maillot blanc de meilleur jeune et avec la victoire
gagne le classement de meilleur grimpeur– une pierre deux coups).
Les jeux sont faits, il est temps cette fois pour tout le monde d’aller se
faire un Paris by night…
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