« Parce qu’il n’y a pas que
les hommes qui ont droit d’allier style
et performance » revendique
Bikellissima.
En préparation de
l’Etape du Tour, qui est cette fois
dans moins d’un mois, je ne me préoccupe donc pas uniquement de ma forme physique mais aussi
du look que j’arborerai le jour du départ, c’est aussi
important mentalement.
J’ai récemment
trouvé mon bonheur : je suis en effet depuis quelques mois sur les réseaux sociaux la très sympathique et performante équipe UCI Pro
Women, Specialized Lululemon. Les filles sont sympathiques, toujours classées dans le top 5 dans les grands rendez-vous mondiaux.
Elles sont de plus très actives
sur les réseaux sociaux, engagées pour la cause des femmes dans le sport et véhiculent des valeurs importantes à mes yeux. Dès qu’elles le peuvent, elles donnent de leur temps ou de leur
gains pour aider, via le sport et surtout le vélo, des
populations qui en ont besoin dans le monde. Ce qui ne gâche rien est qu’elles
portent une tenue vraiment jolie, c’est pourquoi
quand elles ont annoncé, il y a
quelques semaines, qu’elles
allaient la mettre en vente sur le site de l’équipe pour
le grand public et qu’une partie
des gains récoltés iraient à des œuvres qui aident les enfants grâce au sport, j’ai décidé de porter mon choix sur leur tenue pour le jour J.
J’ai commandé jersey et
cuissard en taille XS. J’ai reçu la tenue il y a quelques jours et en l’essayant j’ai pu
constater comme je vous le faisais savoir il y quelques temps dans « Entre le slim et le vélo faut-il
choisir » que ma
morphologie a changé. Le cuissard est beaucoup, beaucoup trop petit au-dessus
du genou. J’avais bien anticipé que mes cuisses gagneraient du volume mais pas à ce niveau-là ! Or, il
semble qu’elles se soient considérablement dessinés à ce niveau-là, rendant le port d’un cuissard
taille XS très très disgracieux en mode saucisson dans son filet et surtout
dangereux : le muscle
est si comprimé qu’il risque vraiment d’être asphyxié rapidement.
J’ai plutôt pris l’anecdote avec le sourire et j’ai pu sans
aucun problème échanger mon cuissard contre un taille S auprès de Velocio Sports,
la société qui gère l’équipe. Testé sur une sortie de six heures, la tenue s’avère être confortable cette fois !
Mais
il faut se rendre à l’évidence je m’éloigne
encore un peu plus aujourd’hui des
canons de beauté en vigueur qui voudraient que
les filles soient toutes dotées d’allumettes à la place
des jambes. Pourtant, et je ne l’aurais pas cru il y a quelques mois, je me sens plus à l’aise que jamais
dans mes slims (des nouveaux quand-même avec mes
cuisses de cycliste en pleine croissance, je ne tiens pas à faire un phlébite juste
pour être belle!) et je porte deux
fois plus de jupes, robes qu’auparavant…
C’est là tout le
paradoxe ; tout en m’éloignant de la norme,
je trouve de plus en plus de plaisir à m’habiller. Le sport
a-t-il quelque chose avoir dans tout cela ? Très certainement et je
vais m’expliquer.
Alors
quand on a envie de refaire sa garde-robe, pour jeter avec l’ancienne ses complexes ou handicaps du passé, il est tout à fait
logique de se tourner vers les pages des
magazines féminins, source inépuisable d’idée mode mais aussi excellent moyen de se vider la tête le week-end sur un transat après une sortie de 6 heures qui vous a laissée exsangue. D’autant plus
qu’avec le soleil qui a enfin fait
son retour, j’ai légitiment envie de me mettre au courant des tendances de l’été !
Et
jouons franc jeu, quand on est une fille, une femme et qu’on feuillette les magazines féminins, on
recherche toutes (même si très peu osent l’avouer, les
patrons de presse le savent bien…) à s'identifier à un modèle, une histoire, un type de fringues. Alors assez
logiquement, cela fait plusieurs semaines que j’essaie de
trouver en plus des idées mode, des
rubriques dans lesquelles je pourrais me retrouver du type « sport au féminin ».
Mais
en vain.
Car
le terme sport, quelqu’un l’a-t-il déjà vu écrit tel quel et sans adjectif édulcorant du type « indolore » dans un magazine féminin ? Je vous mets au défi de trouver.
Pour
trouver un article ayant trait au sport, il faut au choix aller chercher du côté de la
rubrique forme (pourquoi pas), de la rubrique bien–être (on est d’accord) mais
le plus souvent c’est dans la rubrique minceur
que vous trouverez peut-être votre
bonheur.
Et
là les articles ont de quoi faire peur : « Dix
exercices de base pour muscler vos fesses », « comment perdre sa cellulite avant l’été », « que faire pour avoir le même corps que
X », ou du genre dites-moi la partie de votre corps que vous n’aimez pas et notre honorable magazine, vous dira quel sport
choisir !
Soyons
sérieux un instant, s'il est indéniable que le sport contribue à contrôler son
poids, les femmes ne feraient-elles que du sport dans le but d’être minces ?
Pis
encore, la plupart de ces revues vous laissent croire que le sport c’est avant tout une souffrance, c’est donc pourquoi le mot SPORT n’est pas nommément écrit pour ne pas effrayer les femmes, ces petits êtres fragiles, et le plus souvent on vous parle de rester
en forme. Dans cette rubrique, on vous donnera alors les trucs et astuces pour
bouger sans trop souffrir mais un peu quand-même car l’adage veut qu’il faut
souffrir pour être belle. La femme est faite
de contradictions, je ne le nie pas mais il serait temps qu’on arrête de la prendre pour une quiche qui obéit à tout !
Car
où est le plaisir là-dedans ?
Il
n’y en a absolument pas et le but n’est pas ou rarement de rendre le sport tel quel attrayant
dans ces pages. Il est tout à fait étonnant de vivre dans un siècle ou d'un
côté on incite
les femmes à s’accepter telles qu’elles sont
et d'un autre on les incite à faire de l’exercice dans une salle chauffée comme un sauna (horreur, chaleur et danger !) pour peut-être perdre 800 grammes (surtout d’eau d’ailleurs) et se sentir plus prêtes à séduire. Pour celles et ceux qui auraient reconnu la description
du yoga Bikram, je précise que je
n’ai rien contre le yoga bien au
contraire puisque je pratique la forme Sivananda plusieurs fois par semaine
pour assouplir mes muscles (qui m’ont joué des tours par le passé) . On
incite quand-même beaucoup les femmes à se complaire dans la contradiction…
Demandez
donc d’ailleurs aux cyclistes pros si
faire du sport par 40 ou 50 degrés est
franchement gérable ? Sur le Tour de Californie, la plupart d’entre eux auraient sans doute donné n’importe quoi
pour que la température extérieure
baisse d’au moins 15 degrés !
Bref,
au XXI ème siècle, alors que beaucoup de femmes se battent encore pour
que leurs droits égalent ceux des hommes, peu d’entre elles auraient-elles réalisé qu’elles se
complaisent elles-mêmes dans le
cliché qui veut que le sport pour les
femmes c’est surtout fait pour être mince et plaire aux autres mais pas pour se plaire à soi-même et encore
moins se prouver qu’on existe ?
A
ce stade, un arrêt sur image s’impose.
Je roule, j'aime le sport et pourtant j'aime aussi la mode mais difficile pour moi de trouver de quoi me plaire dans les pages des magazines féminins généralistes..... |
Se
sentir bien, est-ce véritablement
plaire aux autres ou est ce qu’on ne plait
pas plutôt aux autres d’abord parce
qu’on se sent bien dans ses
baskets, ses escarpins ou sur ses pédales autos ? (je tiens peut-être là un bon sujet pour l’épreuve de
philosophie du bac 2013 ?!).
A
ce stade de déception, que dois–je faire ? Me rendre à l’évidence : je ne suis
pas la cible de ces magazines (pas d’accord, je
suis pile dedans d’une certaine
façon) et me rabattre sur des
revues/sites spécialisés ?
Il
existe, surtout dans la presse anglophone d’ailleurs et
c’est malheureux pour ceux qui préfèrent lire
dans la langue de Molière, un
certain nombre de publications papiers ou numériques qui s’adressent justement aux femmes sportives, performantes,
charmantes, soignées et j’adore lire ces magazines qui alternent avec brio entre
articles rafraichissants pour motiver les sportives du dimanche, interviews de
championnes et conseils mode/beauté. Mais
soyons honnêtes, cette presse a pour lectrices
des femmes déjà convaincues
par les vertus du sport. Ne serait-il donc pas très intéressant de trouver dans une presse féminine qui se veut généraliste et est donc à destination
de toutes de quoi montrer que le sport au féminin, c’est aussi un plaisir même si ce n’est pas toujours évident? Ce
type d’articles vous ne le trouvez que
lors des JO ou lorsqu’une sportive
se fait connaître pour d’autres actions dans la société civile, c’est bien
mais c’est très insuffisant, trop sporadique.
Vous
ne me croyez pas, alors taper « sport au féminin » dans votre
moteur de recherche et je vous assure que
vous serez déçu du résultat.
Et
ainsi certains préjugés sont toujours tenaces : J’ai déjà entendu de la part de certaines connaissances féminines que le vélo à part comme moyen de locomotion, elles ne voyaient vraiment
pas l’intérêt quand d’autres m’ont
simplement demandé : « En faisant beaucoup de vélo, tu n’as a pas peur d’attraper de
grosses cuisses et mollets ronds ? »
Attraper
de grosses cuises et voir ses mollets se
dessiner n’est pas une maladie mais une
adaptation du corps à l’effort qu’on lui fait
subir. Et puis je ne fais pas encore de contre-la-montre donc jusque-là, je pense maitriser la prise de formes que j’assume sans complexe puisqu’elle me permet
justement de me sentir encore mieux sur mon vélo.
Il
est vraiment temps d’abattre une autre idée reçue. Non, le sport ne fait pas maigrir il peut même faire prendre du poids et alors ? Cela fait des années que je n’utilise plus de balance, mon seul critère d’évaluation étant la place que je gagne ou perd dans mes vêtements.
Mais
les sportives ne sont pas pour autant disgracieuses. Personnellement, j’admire particulièrement deux
sportives pour leur palmarès, leur
force mais aussi leur plastique. Il s’agit de la
skieuse Lindsey Vonn et de la « pistarde » (cyclisme sur piste) qui a récemment pris
sa retraite, Victoria Pendleton. Ces messieurs sont tout émoustillés quand ces
deux athlètes posent en tenue légère dans les
magazines et pourtant elles sont loin d’avoir des
mensurations qui rentrent dans la norme.
1,78m
pour 73 kg du côté de Lindsey
Vonn et 1,65m pour 60 kg pour Victoria Pendleton. Ces chiffres seuls parlent d’eux-mêmes et les
mensurations de leurs cuisses sont sans doute tout aussi éloquentes.
Avec
70 kilos pour 1,75 m, j’adore aussi
Serena Williams pour l’acharnement
dont elle a fait preuve pour revenir au plus haut niveau à 31 ans et gagner Roland-Garros et pour son côté très féminin dans
ses tenues sur ou en dehors des courts. Sur ce point, j’ai eu une discussion très houleuse
avec des collèges journalistes masculins qui
m’ont dit qu’ils ne voient pas l’intérêt du tennis
féminin si les femmes se mettent à ressembler aux hommes et tapent dur (Serena était visée évidemment) et de rajouter que son physique est disgracieux.
Ce sont ces mêmes hommes qui se plaignaient
encore il y a peu d’un tennis féminin trop mou où les filles
ne faisaient que jouer à la baballe….Il n’y a pas que les femmes qui sont pleines de
contradictions …
En
tant que cycliste, sportive et journaliste, je me pose donc cette question : les magazines féminins
ont-ils besoin d’entretenir les femmes dans
leurs complexes afin de leur vendre toujours plus de rubriques avec des pseudo
recettes magiques pour justement faire tomber ces complexes et donc conserver
lectrices et annonceurs (ah qu’il est
difficile quand on est journaliste de devoir composer entre le devoir d’informer et la nécessité de ne pas contrarier des annonceurs qui nous font vivre…) où sincèrement n’y–a-t-il pas la place pour dire aux femmes simplement dans
une petite rubrique régulière que parfois se sentir bien, cela peut aussi juste passer
par enfiler une paire de baskets et
aller marcher, courir un peu dehors ou enfourcher un vélo qu’il soit Vélib ou de course.
Si,
si je vous assure l’air frais ou
le soleil et l’oxygénation du corps font parfois plus de miracles sur le teint
qu’une crème de jour hors de prix censée recréer artificiellement l’effet de la
rosée ou des embruns sur la peau...
J’ai sans doute touché là un argument
de vente sensible mais je reste pourtant persuadée qu’une rubrique sport pourrait tout à fait avoir sa place dans de grandes publications écrites et numériques…
Je
ne déserterai pas pour autant les
pages des magazines féminins généralistes,
tout comme je ne perdrai pas inutilement d’énergie à vouloir convaincre les plus réfractaires au sport que l’exercice c’est avant tout se faire du bien, mais je pense qu’il était
important pour Bikellissima de donner son point de vue sur ce manque dans les
publications que je ne suis certainement pas la seule à ressentir.
En
matière de sport, le cyclisme est
loin d’être mon premier amour et ne
sera peut-être pas le dernier d’ailleurs. Mais peu importe le sport qui vous fait envie:
boxe, danse, yoga, natation, rugby, karaté… Ne
pratiquez pas un sport parce qu’on vous a
dit que celui-ci ou celui-là a tendance à faire si ou ça, faites le
sport dont vous avez toujours rêvé, qui vous fait vibrer, qui vous permet de vous évader, de vous sentir bien, de vous vider la tête, de rencontrer d’autres
personnes… Faites-le pour votre plaisir
et au rythme qui vous convient et pas pour les autres, car le seul regard qui
compte et que vous devez soutenir avec bonheur c’est le vôtre dans un miroir et peu importe le corps ou l’allure que vous donne ce sport, s’il vous permet de vous réconcilier
avec vous-même alors naturellement le
regard des autres changera sur vous. Se sentir bien, c’est surtout ça le vrai
luxe, la liberté aujourd’hui, et pratiquer un sport à son rythme peut permettre d’accéder à cette
sensation simple mais rare de nos jours et il est bien dommage qu’on ne le dise pas assez !
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