Liège-Bastogne-Liège,
la 80 kilomètres, c’est fait et en un peu moins de 4 heures, ce
qui est donc
mieux que mon objectif et pourtant ce n’était pas gagné.
Il ne
s’agissait pas de ma première cyclo-sportive mais, disons, qu’il s‘agissait
bien pour moi de la première course mythique et en plus avec des objectifs à
atteindre. Le stress était donc au rendez-vous toute la semaine précédent
l’événement mais aussi avant et encore après le départ car rien ne s’est passé
comme je l’aurais imaginé.
Je me suis
retrouvée dans les starting-blocks dès 8H30, en ce samedi matin dans les
Ardennes où le froid était glacial malgré un soleil radieux. Il était prévu que
je parte avec mon compagnon de route habituel et d’autres connaissances sur
deux roues, mais ces derniers ont été retardés. Alors que je tremblais de froid
mais aussi de peur, mon compagnon de route
(lui était inscrit sur la 160km) m’a alors donné l’ordre de partir pour
éviter de littéralement congeler sur place. Et le moins que l’on puisse dire
c’est que je n’avais pas envie de partir seul ou plutôt sans mon cycliste repère
car avec 6000 cyclistes sur les routes, impossible de se sentir vraiment
esseulée. Ravalant, je l’avoue une larme de stress, je me suis résolue à partir.
La sortie de
Liège n’a pas été une partie de plaisir car j’ai dû gérer : des pelotons entiers
de cyclistes sur-motivés, qui me dépassaient à une allure si vive que l’idée de
m’accrocher derrière eux ne les a même pas effleuré mais aussi une circulation
dense et enfin et surtout –personne ne
m’avait prévenu : des portions pavées ! C’est à ce moment là qu’un
incident totalement imprévisible est survenu. Non ma roue ne s‘est pas coincée
entre deux pavés, j’ai mis le turbo pour éviter cette fâcheuse déconvenue mais
j’ai perdu virtuellement mon compteur. L’aimant n’a pas apprécié les pavés et
malgré des tentatives de réanimation, celui-ci a définitivement décidé de
rester bloqué.
Catastrophe !
Je l’apprends depuis plusieurs mois, un compteur ne sert pas uniquement à
indiquer la vitesse mais avec le kilométrage, il est un repère évident pour
connaître votre moyenne et surtout savoir comment et quand vous alimenter en
fonction des difficultés passées et à venir. Pour couronner le tout, je n’ai pu
activer mon Strava qu’au kilomètre 14 et donc au niveau du départ des Pros…
Et puis qui
a dit que la Belgique est un plat pays ? Brel dans sa chanson s’est bien
gardé de nous parler des Ardennes, ce qui est dommage par ailleurs car la
région est très belle si vous aimez les sapins !
Entre le
froid et des bosses suivies de descentes infernales à gérer avec des cyclistes
jaillissant de toutes parts, les 30 premiers kilomètres ont vraiment été durs.
Ce qui n’a pas aidé à décrisper mes jambes a été d’apercevoir une demoiselle
chuter lourdement dans une des premières descentes. Quand certains cyclistes
mâles sans cerveau ont osé rire de ce qui n’a rien drôle, d’autres ont eu la
présence d’esprit de rapidement lui porter secours et la mettre à l’abri sur le
côté. Cet épisode m’a passablement énervé sur mon vélo, peut-être d’ailleurs
m’a-t-il donné la force intérieure pour arrêter de ressasser ce qui n’allait
pas depuis le matin. Cela m’a aussi permis d’analyser qu’il faudrait s’alimenter
régulièrement dans cette cyclo pour surtout rester lucide ! Car
Liège-Bastogne-Liège n‘est pas réputée être une des classiques les plus dures
au monde pour rien : le parcours ne permet quasiment jamais de se reposer
et il faut être vigilant à chaque instant.
Bref, me
voici arrivée seule ou presque au kilomètre 35 (enfin un repère marqué) avec
les jambes un peu dures et la peur au ventre car la Redoute est annoncée un
kilomètre plus loin. Mais sincèrement dans un premier temps, je suis plutôt
contente de quitter la route principale et de me séparer d’une grande partie des
cyclistes vraiment « sérieux », qui bifurquent maintenant sur la 160
km. Il me semble alors que maintenant je peux attaquer cette côte de légende un
peu plus sereine.
Et voilà
qu’au moment de passer sur le tapis électronique qui va chronométrer la montée (en effet le LBL challenge n’est pas
chronométré de bout en bout, il y a en revanche un challenge sur les côtes de
légende), je me mets à haleter. Non pas que l’effort me coupe le souffle, c’est
plutôt la peur d’entrer dans la Redoute.
Rapidement,
je reprends mes esprits, juste avant de tourner sous le pont, là où la vraie pente
commence, ce serait quand-même idiot d’échouer à cause d’un trop plein de
stress !
Je décide alors
d’appliquer mon unique et très personnelle « stratégie de la vache ». Je
m’explique : si les vaches regardent passer les trains, je suis passée maitre
dans l’art de regarder les vaches brouter dans les prés plutôt que la pente qui
se dresse devant moi. J’ai peaufiné cette technique sur une côte
luxembourgeoise, ma préférée et celle où je vais me changer les idées quand
cela ne va pas, où les passages les plus pentus doivent frôler les 14%. Dans
ces moments là, qu’il est doux de tenter de berner son cerveau avec une image
bucolique pour essayer de lui faire croire qu’il envoie le signal
« douleur » pour rien…
Ici, en
guise de vaches (rien de péjoratif, je vous assure), je découvre dès les
premiers mètres de la montée, les camping cars des fans de vélo qui sont déjà installés,
sans doute depuis vendredi, pour avoir le meilleur emplacement quand les pros
passeront. Parmi eux, se distingue un camion noir aux couleurs de la Radioshack
Nissan Trek et ornementé d’un drapeau luxembourgeois.
Pour oublier
la douleur qui s’annonce, je leur lance un grand « Moien, Moien »
(« bonjour, bonjour » pour les non luxembourgophones) qu’ils me
retournent avec un grand sourire. Oui, le Luxembourgeois quand il rencontre un
de ses compatriotes à
l’étranger, le salue toujours !
Et là je rentre
dans la pente, la vraie, les pourcentage s’affolent et le mur de 20% n’est
toujours pas là, il faut attendre la sortie d’un virage pour le rencontrer enfin.
Il se dresse sur ce chemin serré où il n’est pas permis de ziguezaguer sous
peine de faire tomber un autre cycliste. Là, la seule pensée qui me traverse,
c’est « il faut sortir de là le plus vite possible ». J’ouvre en
grands mes poumons et je sors les cuisses mais entre l’option Voeckler ou
Cancellara, j’ai penché pour la deuxième option et je ne suis pas peu fière de
dire que j’ai vaincu la Redoute les fesses assises sur la selle et en doublant des
cyclistes en danseuse. Mais sur le moment, je n’étais pas en état de réfléchir,
c’est seulement le fruit d’un réflexe de survie…
Etre un finisher, oui c'est déjà vraiment bien quand on s'attaque à La Doyenne! |
Au dessus,
j’ai été envahie par un sentiment de soulagement et l’impression d‘avoir été
baptisée par ce « monument du cyclisme » qui a bien voulu, comme le
Ventoux il y a un peu plus d’un an, me laisser passer sur son échine mythique.
Après la
Redoute, ma vision de la course a changé, comme si le stress était retombé :
j’ai abordé la descente suivante en confiance avec un nouveau record à près de
56 km/h et un plus pus bas, j’ai, en plus, trouvé un petit peloton qui roulait
un peu plus vite que moi et auquel j’ai réussi à m’accrocher et donc a me
protéger du vent, enfin !
Sur le plat,
c’était une femme d’une quarantaine d’années, aux muscles ronds et puissants,
qui nous faisait le train. Et il a fallu que je tombe sur un radar dans un village
pour me rendre compte que oui, oui, je pouvais suivre un train à 35km/h!
La côte de Colonster,
qui s’est présentée au kilomètre 59, n’a été que du bonheur. Après la Redoute,
elle m’a semblée être presque une formalité et pour remercier mes compagnons de
route, j’ai même fait le train dans la
montée. Dans ce petit wagon de dix personnes, ce sont deux femmes qui ont
assuré le rythme !
Le retour sur
Liège a été rapide et la côte de
Saint-Nicolas s’est vite dressée devant nous.
Avant le
départ, mon compagnon de route m’avait fait promettre de ne pas arriver au bout
des 80 km fraîche comme si je venais de terminer une promenade de santé.
J’avais pour consigne, si je me sentais bien, de durcir le rythme après le kilomètre
60.
J’ai attendu
le kilomètre 70 et la fameuse Côte de Saint-Nicolas pour le faire et le signal
qui m’a fait comprendre que j’étais bien en train de me donner à fond fût cette
très désagréable envie de vomir qui m’a envahie à mi-côte. L’acide lactique
commençait à submerger mon foie mais quelques grandes respirations m’ont permis
de passer outre. Résultat des courses, une côte montée très honorablement
et qui me classe autour de la 2000ème
place sur 6000 concurrents, pas mal.
Après la côte
de Saint-Nicolas, le parcours est encore loin d’être plat et je vous avoue que
les 5 derniers kilomètres ont été difficiles.
Puis j’ai
enfin franchi la ligné d’arrivée, éprouvée mais pas au bord de l’évanouissement
et je comprends désormais pourquoi mes amis cyclistes me répètent que le corps
apprend. Il y a un plus d’un an, une cyclo classique de 80 kilomètres m’avait
en effet laissée exsangue pendant plus de 24 heures. Cela n’a pas été le cas à
Liège où j’ai pu attendre mon compagnon de route tranquillement au soleil et
profiter de l’ambiance très agréable de cette dernière classique de printemps
où beaucoup de cyclos, à peine arrivés, étanchaient leur soif avec une bière ou
plusieurs. Certains m’en ont proposé une mais honnêtement si j’avais troqué un
cola contre une blonde des Ardennes, je ne me serais probablement pas relevée.
L’expérience
fut donc très bonne et enrichissante et j’en garderai un très bon souvenir même
si mes jambes ont connu dans la Redoute une souffrance qu’elles n’avaient jamais
osé imaginer. Sans la sortie de récupération du lendemain, il n’était pas
certain que j’aurais été en mesure de marcher lundi.
Après avoir
franchi le mur de La Redoute, un autre mur m’attend lors d’une randonnée le 1er
mai, c’est celui des 100 kilomètres ! Car oui, le vélo, je l’expérimente un
peu plus chaque semaine, c’est loin d’être seulement une affaire de condition
physique, c’est aussi une affaire de mental.
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