dimanche 26 mai 2013

Ces barrières psychologiques au travers de la route


L’étape la plus difficile à gravir en sport n’est bien souvent pas celle que l’on croit. Augmenter l’intensité physique de l’effort peut-être difficile à surmonter mais la plupart du temps si on le fait en respectant une certaine progressivité, on peut être certain que le corps humain saura s‘adapter et nous emmènera là où on veut. Non, le plus difficile n’est pas là, la véritable épreuve en sport c’est d'abattre les barrières psychologiques que l’on dresse soi-même.

Cela faisait quelques temps déjà que j’espérais atteindre la barre, encore mythique pour moi des 100 kilomètres à vélo. Un état de forme moyen le jour où j’aurais pu le faire il y a un mois et il faut le dire un printemps franchement maussade ont sans cesse repoussé pour moi l’occasion de franchir ce mur. Il y a une semaine j’avais prévu, de retour chez moi en Bourgogne, un stage cycliste maison de 5 jours qui devait me permettre enfin de passer la barre. Mais une fois de plus, le mauvais temps s’est invité dans ma préparation et je n’ai pu faire qu’une longue sortie de 80 kilomètres mais avec un dénivelé digne des Alpes : 1600 mètres. A la fin de la sortie, j’avais presque les larmes aux yeux tant les jambes me brûlaient et je me disais alors sous le coup de la fatigue du moment que décidemment faire un 100 kilomètres était une limite bien trop ardue à atteindre pour moi. La déprime me gagnait alors de nouveau puisque je m’imaginais que ne pas parvenir à faire 100 kilomètres mi-mai signifiait que je serais incapable le 7 juillet de finir l’Etape du Tour. Après un repos forcé par le mauvais temps, j’ai profité ce samedi des quelques rayons que le soleil consentait enfin à nous offrir pour faire une belle sortie à vélo, sans pression, ni objectif particulier et cela s’est produit presque sans que je m’en rende compte : j’ai abattu la barre des 100 kilomètres avec 1100 mètres de dénivelé. A l’arrivée, j’étais éprouvée mais sans plus et me suis alors rendue compte que cela faisait sans doute bien longtemps que j’étais prête –grâce à de nombreuses  sorties courtes mais très très vallonnées- à abattre la distance. La seule vraie barrière se trouvait bien dans ma tête.

Abattre les barrières psychologiques, cela paraît simple comme cela sur le papier mais en sport ou dans la vie de tous les jours, c’est bien souvent un challenge de taille pour beaucoup d‘entre nous.

Si le cyclisme féminin ne vit aujourd’hui encore que dans l’ombre du cyclisme masculin, c’est qu’au-delà des préjugés qui résistent, existent aussi des barrières psychologiques qui l’empêchent de percer sur la scène médiatique.

Même Pat Mc Quaid, le président de l’UCI, semble paralysé par ces barrières psychologiques en refusant de donner aux femmes cyclistes le vrai statut de sportives professionnelles qu’elles méritent. Mais heureusement aujourd’hui, un véritable mouvement semble s’organiser autour du globe pour faire tomber ces barrières. (Messieurs, tremblez, quand la solidarité féminine se met en marche, elle peut faire tomber bien des obstacles).

L’athlète américaine, journaliste et cycliste pro chez Colavita/Fine Cooking, Kathryn Bertine, a décidé de mettre son énergie au service de la médiatisation du cyclisme féminin. A l’automne, elle présentera donc son documentaire « Half the road » qui fait toute la lumière sur la situation actuelle du cyclisme féminin. Le film ne prend pas de pincettes et tente d’abattre de nombreux préjugés. Pour combattre les injustices émanant du statut de « seconde zone » dans lequel le cyclisme féminin est enfermé, le film a reçu le témoignage et le soutien de nombreux intervenants mais pas de Pat Mc Quaid dont la position est très critiquée et pour cause on attendrait plutôt du patron de l’UCI qu’il montre l’exemple ! Ce film sera un événement car c’est la toute première fois que le sujet sera aussi bien documenté, filmé et expliqué. Mais comme vous le savez sans doute, les pros féminines n’ont pas les mêmes moyens que leurs homologues masculins or produire un film et surtout le distribuer largement est un projet très coûteux. En vous rendant sur www.halftheroad.com, vous pouvez donc contribuer avec vos moyens -petits ou grands- (ceux qui offrent plus de 50 dollars seront déjà dans les crédits du film). Peu importe la somme, c’est le geste qui compte et grâce à la magie d’Internet, on peut imaginer que le film obtiendra toute la visibilité qu’il mérite.


100 kilomètres : Comme toutes les barrières psychologiques, quand elle tombe, on a l'impression de se sentir plus léger.

Il est réconfortant de voir que de nombreuses personnalités font leur possible pour abattre ces fameuses barrières, à l’image du « vétéran » des pros mais néanmoins encore excellent coureur Jens Voigt, qui  a apporté son soutien sans réserve et milite pour que le cyclisme féminin gagne en considération.

Mais alors  que certains bataillent durement pour changer les choses, d’autres personnalités connues ont tellement la tête dans le guidon des clichés qu’ils ne se rendent même pas compte des mauvaises images qu’ils véhiculent et du tort qu’ils font juste en prononçant une phrase ou deux.

L’indéboulonnable journaliste sportif français, mi-attachant mi-énervant, Gérad Holtz, vient d’écrire avec son fils un livre d’anecdotes sur le Tour de France à l’occasion du centenaire de la Grande Boucle. Il l’a présenté cette semaine sur Europe1.

A la question ce livre est-il facile d’accès, voici ce que Gérard Holtz a répondu à Michel Drucker qui lui non plus n’a rien relevé de particulier: « C’est un livre où on apprendra des chose inédites et qui est surtout très facile d’accès, la preuve votre femme pourra sûrement vous apprendre des choses si elle le lit ».

J’écoutais la radio sous la douche et entendant cela j’ai failli machinalement exploser la pauvre savonnette que je tenais dans ma main.

Hé Gérard ! Qu’est ce qui ne va pas avec vous et les autres journalistes sportifs engoncés dans leur routine poussiéreuse depuis 40 ans qui sent parfois un peu trop la testostérone défraichie ?

Est-ce que pendant le Tour de France, dans tous les ménages cyclistes de France, monsieur se prélasse forcément sur son canapé après avoir fait 30 bornes de quoi le déculpabiliser de prendre double ration du cassoulet que bobonne aura préparé dans la cuisine après avoir fait tout le ménage (car non le vélo elle peut pas comprendre ça et non elle n'a pas envie de regarder ça ! ) ?

AU SECOURS !

Hé Gérard ! Les femmes aussi roulent, aiment le sport à la télé et sont dotées d’un cerveau qui leur permet de comprendre un certain nombres de choses.
En tant que journaliste et aussi cycliste, je défierai bien monsieur Holtz lors d’une sortie mais je pense très sincèrement qu’il estime n’avoir rien à prouver ou justifier et c’est bien cela le plus grave surtout quand on ne raconte pas que des choses intelligentes.
Vous voyez, il reste encore beaucoup de barrières psychologiques à abattre car je suis persuadée qu’il n'a même pas eu conscience d’être blessant en disant cela.

Je vous laisse, j’ai de la mécanique et mes ongles à faire à (et oui les femmes aussi savent se mettre les mains dans le cambouis de leur vélo mais toujours avec grâce) et vous donne rendez-vous très vite avant mon nouveau défi : une cyclospsortive de 160 kilomètres samedi 1er juin.

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