lundi 22 avril 2013

Si à la Redoute, tu regardes brouter les vaches, pour tes jambes la fête ce sera à la Saint-Nicolas!


Liège-Bastogne-Liège, la 80 kilomètres, c’est fait et en un peu moins de 4 heures, ce 
qui est donc mieux que mon objectif et pourtant ce n’était pas gagné.

Il ne s’agissait pas de ma première cyclo-sportive mais, disons, qu’il s‘agissait bien pour moi de la première course mythique et en plus avec des objectifs à atteindre. Le stress était donc au rendez-vous toute la semaine précédent l’événement mais aussi avant et encore après le départ car rien ne s’est passé comme je l’aurais imaginé.
Je me suis retrouvée dans les starting-blocks dès 8H30, en ce samedi matin dans les Ardennes où le froid était glacial malgré un soleil radieux. Il était prévu que je parte avec mon compagnon de route habituel et d’autres connaissances sur deux roues, mais ces derniers ont été retardés. Alors que je tremblais de froid mais aussi de peur, mon compagnon de route  (lui était inscrit sur la 160km) m’a alors donné l’ordre de partir pour éviter de littéralement congeler sur place. Et le moins que l’on puisse dire c’est que je n’avais pas envie de partir seul ou plutôt sans mon cycliste repère car avec 6000 cyclistes sur les routes, impossible de se sentir vraiment esseulée. Ravalant, je l’avoue une larme de stress, je me suis résolue à partir.
La sortie de Liège n’a pas été une partie de plaisir car j’ai dû gérer : des pelotons entiers de cyclistes sur-motivés, qui me dépassaient à une allure si vive que l’idée de m’accrocher derrière eux ne les a même pas effleuré mais aussi une circulation dense et enfin et surtout  –personne ne m’avait prévenu : des portions pavées ! C’est à ce moment là qu’un incident totalement imprévisible est survenu. Non ma roue ne s‘est pas coincée entre deux pavés, j’ai mis le turbo pour éviter cette fâcheuse déconvenue mais j’ai perdu virtuellement mon compteur. L’aimant n’a pas apprécié les pavés et malgré des tentatives de réanimation, celui-ci a définitivement décidé de rester bloqué.

Catastrophe ! Je l’apprends depuis plusieurs mois, un compteur ne sert pas uniquement à indiquer la vitesse mais avec le kilométrage, il est un repère évident pour connaître votre moyenne et surtout savoir comment et quand vous alimenter en fonction des difficultés passées et à venir. Pour couronner le tout, je n’ai pu activer mon Strava qu’au kilomètre 14 et donc au niveau du départ des Pros…
Et puis qui a dit que la Belgique est un plat pays ? Brel dans sa chanson s’est bien gardé de nous parler des Ardennes, ce qui est dommage par ailleurs car la région est très belle si vous aimez les sapins !
Entre le froid et des bosses suivies de descentes infernales à gérer avec des cyclistes jaillissant de toutes parts, les 30 premiers kilomètres ont vraiment été durs. Ce qui n’a pas aidé à décrisper mes jambes a été d’apercevoir une demoiselle chuter lourdement dans une des premières descentes. Quand certains cyclistes mâles sans cerveau ont osé rire de ce qui n’a rien drôle, d’autres ont eu la présence d’esprit de rapidement lui porter secours et la mettre à l’abri sur le côté. Cet épisode m’a passablement énervé sur mon vélo, peut-être d’ailleurs m’a-t-il donné la force intérieure pour arrêter de ressasser ce qui n’allait pas depuis le matin. Cela m’a aussi permis d’analyser qu’il faudrait s’alimenter régulièrement dans cette cyclo pour surtout rester lucide ! Car Liège-Bastogne-Liège n‘est pas réputée être une des classiques les plus dures au monde pour rien : le parcours ne permet quasiment jamais de se reposer et il faut être vigilant à chaque instant.

Bref, me voici arrivée seule ou presque au kilomètre 35 (enfin un repère marqué) avec les jambes un peu dures et la peur au ventre car la Redoute est annoncée un kilomètre plus loin. Mais sincèrement dans un premier temps, je suis plutôt contente de quitter la route principale et de me séparer d’une grande partie des cyclistes vraiment « sérieux », qui bifurquent maintenant sur la 160 km. Il me semble alors que maintenant je peux attaquer cette côte de légende un peu plus sereine.
Et voilà qu’au moment de passer sur le tapis électronique qui va chronométrer la  montée (en effet le LBL challenge n’est pas chronométré de bout en bout, il y a en revanche un challenge sur les côtes de légende), je me mets à haleter. Non pas que l’effort me coupe le souffle, c’est plutôt la peur d’entrer dans la Redoute.
Rapidement, je reprends mes esprits, juste avant de tourner sous le pont, là où la vraie pente commence, ce serait quand-même idiot d’échouer à cause d’un trop plein de stress !
Je décide alors d’appliquer mon unique et très personnelle « stratégie de la vache ». Je m’explique : si les vaches regardent passer les trains, je suis passée maitre dans l’art de regarder les vaches brouter dans les prés plutôt que la pente qui se dresse devant moi. J’ai peaufiné cette technique sur une côte luxembourgeoise, ma préférée et celle où je vais me changer les idées quand cela ne va pas, où les passages les plus pentus doivent frôler les 14%. Dans ces moments là, qu’il est doux de tenter de berner son cerveau avec une image bucolique pour essayer de lui faire croire qu’il envoie le signal « douleur » pour rien…
Ici, en guise de vaches (rien de péjoratif, je vous assure), je découvre dès les premiers mètres de la montée, les camping cars des fans de vélo qui sont déjà installés, sans doute depuis vendredi, pour avoir le meilleur emplacement quand les pros passeront. Parmi eux, se distingue un camion noir aux couleurs de la Radioshack Nissan Trek et ornementé d’un drapeau luxembourgeois.
Pour oublier la douleur qui s’annonce, je leur lance un grand « Moien, Moien » (« bonjour, bonjour » pour les non luxembourgophones) qu’ils me retournent avec un grand sourire. Oui, le Luxembourgeois quand il rencontre un de ses compatriotes à 
l’étranger, le salue toujours !

Et là je rentre dans la pente, la vraie, les pourcentage s’affolent et le mur de 20% n’est toujours pas là, il faut attendre la sortie d’un virage pour le rencontrer enfin. Il se dresse sur ce chemin serré où il n’est pas permis de ziguezaguer sous peine de faire tomber un autre cycliste. Là, la seule pensée qui me traverse, c’est « il faut sortir de là le plus vite possible ». J’ouvre en grands mes poumons et je sors les cuisses mais entre l’option Voeckler ou Cancellara, j’ai penché pour la deuxième option et je ne suis pas peu fière de dire que j’ai vaincu la Redoute les fesses assises sur la selle et en doublant des cyclistes en danseuse. Mais sur le moment, je n’étais pas en état de réfléchir, c’est seulement le fruit d’un réflexe de survie…


Etre un finisher, oui c'est déjà vraiment bien quand on s'attaque à La Doyenne!

Au dessus, j’ai été envahie par un sentiment de soulagement et l’impression d‘avoir été baptisée par ce « monument du cyclisme » qui a bien voulu, comme le Ventoux il y a un peu plus d’un an, me laisser passer sur son échine mythique.
Après la Redoute, ma vision de la course a changé, comme si le stress était retombé : j’ai abordé la descente suivante en confiance avec un nouveau record à près de 56 km/h et un plus pus bas, j’ai, en plus, trouvé un petit peloton qui roulait un peu plus vite que moi et auquel j’ai réussi à m’accrocher et donc a me protéger du vent, enfin !
Sur le plat, c’était une femme d’une quarantaine d’années, aux muscles ronds et puissants, qui nous faisait le train. Et il a fallu que je tombe sur un radar dans un village pour me rendre compte que oui, oui, je pouvais suivre un train à 35km/h!
La côte de Colonster, qui s’est présentée au kilomètre 59, n’a été que du bonheur. Après la Redoute, elle m’a semblée être presque une formalité et pour remercier mes compagnons de route, j’ai même fait le  train dans la montée. Dans ce petit wagon de dix personnes, ce sont deux femmes qui ont assuré le rythme !

Le retour sur Liège  a été rapide et la côte de Saint-Nicolas s’est vite dressée devant nous.
Avant le départ, mon compagnon de route m’avait fait promettre de ne pas arriver au bout des 80 km fraîche comme si je venais de terminer une promenade de santé. J’avais pour consigne, si je me sentais bien, de durcir le rythme après le kilomètre 60.
J’ai attendu le kilomètre 70 et la fameuse Côte de Saint-Nicolas pour le faire et le signal qui m’a fait comprendre que j’étais bien en train de me donner à fond fût cette très désagréable envie de vomir qui m’a envahie à mi-côte. L’acide lactique commençait à submerger mon foie mais quelques grandes respirations m’ont permis de passer outre. Résultat des courses, une côte montée très honorablement et  qui me classe autour de la 2000ème place sur 6000 concurrents, pas mal.
Après la côte de Saint-Nicolas, le parcours est encore loin d’être plat et je vous avoue que les 5 derniers kilomètres ont été difficiles.

Puis j’ai enfin franchi la ligné d’arrivée, éprouvée mais pas au bord de l’évanouissement et je comprends désormais pourquoi mes amis cyclistes me répètent que le corps apprend. Il y a un plus d’un an, une cyclo classique de 80 kilomètres m’avait en effet laissée exsangue pendant plus de 24 heures. Cela n’a pas été le cas à Liège où j’ai pu attendre mon compagnon de route tranquillement au soleil et profiter de l’ambiance très agréable de cette dernière classique de printemps où beaucoup de cyclos, à peine arrivés, étanchaient leur soif avec une bière ou plusieurs. Certains m’en ont proposé une mais honnêtement si j’avais troqué un cola contre une blonde des Ardennes, je ne me serais probablement pas relevée.
L’expérience fut donc très bonne et enrichissante et j’en garderai un très bon souvenir même si mes jambes ont connu dans la Redoute une souffrance qu’elles n’avaient jamais osé imaginer. Sans la sortie de récupération du lendemain, il n’était pas certain que j’aurais été en mesure de marcher lundi.

Après avoir franchi le mur de La Redoute, un autre mur m’attend lors d’une randonnée le 1er mai, c’est celui des 100 kilomètres ! Car oui, le vélo, je l’expérimente un peu plus chaque semaine, c’est loin d’être seulement une affaire de condition physique, c’est aussi une affaire de mental. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire